samedi 30 janvier 2016

Lord Byron, David Lynch ...Et moi.

- Docteur, Frédéric a une grosse tâche sur son plâtre, et ça sent vraiment pas bon.
- c'est une nécrose osseuse madame et il faudrait me le ramener demain...
- nous sommes à 800kms docteur...
- très bien madame, à demain donc...

Pour la deuxième fois de ma scolarité, j'avais quitté mes camarades en larmes (pas eux, moi) à la fin du mois de mai, parce que le protocole post-opératoire, c'était quatre-vingt dix jours plâtrés des orteils jusqu'aux genoux et il était préférable de manquer le dernier mois d'une année scolaire plutôt que le premier de la suivante.
Bref, cinq semaines après mon opération, je regardais mes frères et sœur couler des vacances heureuses dans ce petit village de l'Aveyron, condamné que j'étais en position assise ou couchée. A aucun moment je ne m'étais interrogé sur ma maladie, persuadé qu'elle était moi, tant j'étais déjà habitué aux opérations (à trois ans, puis à six et celle-ci à onze), aux mois d'inertie qui en résultaient, précédant les mois de rééducation fonctionnelle.
Me voilà donc parti, accompagné de mon père car ayant 11 ans, c'est lui qui conduit la R16 TS.
Sainte-Eulalie-de-Cernon --> Reims. 800 bornes, une paille...avec un daron bien énervé que je lui joue ce mauvais tour, passe que naturlich, c'est de ma faute si je suis né comme ça



Après avoir passé la journée dans la Renault  Hammam (été 1976), nous voici donc at Clinique de Courlancy la bien nommée et rémoise d'origine.
On me déplâtre. Je regarde mon pied. Ma tête se met à tourner, ne pas repenser à mon séjour ici...

8 juin 1976.
Quelques jours se sont passés depuis l'intervention, et je m'interroge toujours sur ces tuyaux translucides reliant mes plâtres à deux bocaux dont le couvercle ne m'évoque pas Bonne Maman.
Elles ont l'air sympa ces deux infirmières quand elles rentrent et m'annoncent tout de go : "Frédéric, on vient te retirer tes drains..."
T'arracher tes drains était en fait la bonne formule, une me maintenant et l'autre tirant dessus, juste avant que je ne parte à vapes. Quand t'es un pied, faut souffrir pour ne plus être bot !

Retour à Sainte-Eulalie avec un joli plâtre tout neuf. Soulagé, j'allais enfin pouvoir, cloué sur mon fauteuil, passer de belles vacances à regarder jouer mes frères et sœur, les poings fermés...et les paupières aussi.

Hashtag #PBVEIB (Pied Bot Varus Equin Idiopathique Bilatéral)


PS : Que soient remerciés ici le Pr Raphaël Seringe et Marie-Jo Clio-Assouvie pour le remarquable travail de prise en charge de cette maladie à Necker, sans oublier Régine Chedeville, instigatrice de la "French Method".



4 commentaires:

  1. La souffrance que l'on ne peut que deviner semble si énorme, que j'ai longtemps hésité avant de laisser ce commentaire. Comment ne pas être maladroit ?
    J'ai beaucoup d'admiration devant ceux qui arrivent à mettre des mots et de la distance devant leurs malheurs.

    RépondreSupprimer
  2. La souffrance que l'on ne peut que deviner semble si énorme, que j'ai longtemps hésité avant de laisser ce commentaire. Comment ne pas être maladroit ?
    J'ai beaucoup d'admiration devant ceux qui arrivent à mettre des mots et de la distance devant leurs malheurs.

    RépondreSupprimer
  3. T'en as vues des vertes et des pas mûres et des tombé dans les pommes. Raconter, te raconter, nous raconter. Bienvenue dans la blogo ^^

    RépondreSupprimer
  4. Très beau billet, j'espère que tu nous en feras plus qu'1 par an.

    RépondreSupprimer